COMMUNIQUÉ CONCERNANT DE NOUVELLES INTIMIDATIONS POLITIQUES DANS RENNES, AU MOYEN DE PROCÈS. 7 février 2018

 7 février 2018

La répression des manifestations contre la Loi Travail, au cours du printemps 2016, fut violente. Des préfectures accordèrent aux forces de l’ordre l’usage d’armes de type LBD40 (ou flashball) ; les colonnes de la SIR i notamment firent usage de ces armes dans les villes pour disperser les manifestations politiques.

Le 28 avril 2016, à Rennes, au cours de l’une d’elles, un agent de la SIR, XXXX XXXXXXX, tire au moyen d’une telle arme sur un étudiant, Jean-François, tandis que celui-ci franchit la Vilaine pour se réfugier rive gauche. La balle perfore un œil de l’étudiant, qui se crève. J.-L. Mauny est le chef opérationnel de la SIR ce jour-là.

Il est avéré désormais que le préfet de l’époque, Patrick Strzoda, a menti en déclarant que les flashballs n’avaient pas été utilisés ii. Le chef de la SIR a reconnu qu’il avait positionné des hommes équipés de cette arme le jour de la manifestation iii.

Lors d’une manifestation contre la nouvelle Loi Travail du gouvernement Philippe, le 16 novembre 2017, à Rennes, le cortège arrivait place de Bretagne où la SIR était en train de se déployer. Serge Bourgin, syndicaliste, prenait la parole au mégaphone pour prévenir les manifestants d’une possible charge : car le 28 avril 2016, c’était suite à un assez semblable mouvement que l’assaut accompagné des tirs de flashballs avait eu lieu. Il ajoute – reconnaissant J.-L. Mauny à la tête de la brigade – que se trouve ici le responsable de ce qui est arrivé à Jean-François, qui avait perdu son œil le 28 avril, en passant le pont.

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Serge Bourgin est aujourd’hui convoqué devant le Tribunal correctionnel ; on l’accuse de « diffamation » sur la personne de Monsieur J.-L. Mauny. Il comparaîtra le 13 février 2018. Monsieur J.-L. Mauny considère qu’il y a diffamation car ce n’est pas lui qui a tiré. En effet, ce n’est pas lui : puisque c’est XXXX XXXXXXX.

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Nous, Pontcerq, fabricants de livres, affirmons tout notre soutien à Serge Bourgin – camarade infatigable de luttes décisives et fraternelles depuis des années, dans Rennes. Ce procès est une nouvelle manœuvre d’intimidation ; il s’ajoute à d’autres – intimidations à coups de poing dans la rue par exemple iv.

Le pouvoir préfectoral, avec cette manœuvre judiciaire (on a bien dû inciter un peu Monsieur J.-L. Mauny à se sentir « diffamé » ; ça n’allait pas de soi), sait très bien qui il vise en visant

Serge Bourgin : la grève réelle ; la possibilité de la résistance ; l’opposition à l’ordre libéral et sécuritaire qui est le projet du pouvoir en place – projet qui est la négation de toute politique. En organisant ce procès en diffamation, à la suite de bien d’autres procès visant des manifestants et des militants politiques, le pouvoir veut se débarrasser de ce qui le gêne : la manifestation ; la parole ; la grève ; la politique v.

On notera une inflexion cependant (bien qu’elle ne soit pas absolument neuve sans doute) : après les arrestations dans le milieu dit « autonome », intimidations et procès s’étendent désormais aux syndicats. Sans que cela évidemment suffise il importe a minima, face à tout ce qui est en train de basculer (et c’est le sens minimal de ce communiqué, depuis Rennes) que nous essayions de noter et dater les seuils ainsi franchis, progressivement.

Le procès se tiendra le 13 février 2018 à 14 heures : Tribunal Correctionnel, 7 rue Pierre Abélard, Rennes. Rassemblement prévu.

Pontcerq,

Rennes, 7 février 2018

 

i SIR : « Section d’intervention rapide ».

ii « Le jour des faits, ce tir policier avait été contesté purement et simplement par le préfet Patrick Strzoda, qui coordonnait les opérations de maintien de l’ordre, quelques jours avant sa mutation à la tête du cabinet du ministre de l’intérieur. Le préfet déclarait au Télégramme qu’« aucun flash-ball » n’avait été utilisé, suggérant aux médias qu’ ‘un choc dû à une grenade lacrymogène’ ou ‘un projectile émanant des manifestants’ avaient pu provoquer la blessure de l’étudiant. Par la suite, les services du préfet avaient finalement admis l’usage des LBD par les forces de l’ordre. Mediapart s’est procuré les photos communiquées à l’IGPN qui prouvent l’usage de cette arme, quai Chateaubriand. On y voit deux policiers mettre en joue les manifestants qui s’avancent sur la passerelle. Là où Jean-François sera touché quelques secondes plus tard. » (Karl Laske, « Manifestant éborgné à Rennes, l’enquête incrimine la police », 21 juin 2016). Patrick Strzoda, après son passage au Ministère de l’Intérieur, a été appelé à l’Élysée : il est actuellement Directeur de cabinet du Président de la République.

iii Cf. Thierry Peigné, « Manifestant blessé à l’œil à Rennes : deux policiers entendus à l’IGPN », article publié le 24/01/2017 à 11:20. (https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/ille-et-vilaine/rennes/manifestant-blesse-oeil-rennes-deux-policiers-places-garde-vue-igpn-1181803.html)

iv « Sur des images de France 3 et de TV Rennes, on voit le syndicaliste coincé entre deux voitures par des policiers [BAC], recevoir deux coups de poing puis des menaces d’un policier […]. L’un des journalistes témoins de la scène, Thibault Boulais, journaliste à TV Rennes, a déclaré avoir “vu Serge Bourgin se faire maltraiter entre deux voitures. Ils lui disaient :‘On veut plus te voir.’ ” » (Karl Laske, https://comitezadrennes.noblogs.org/a-rennes-les-interdictions-de-manifester-pleuvent-mediapart-12-octobre-2016/)

v Sur la vidéo de l’article de Thierry Peigné (référence donnée note iii), J.-L. Mauny est interrogé. Il est intéressant d’écouter sa réponse jusqu’à la fin : quand le journaliste le questionne une seconde fois sur la possibilité que le flashball ait été la cause de la blessure à l’œil de Jean-François, il est très peu catégorique ; il finit par répondre : « Je ne suis pas spécialiste… Maintenant, on est vraiment très étonnés de ces blessures… » (ibid.) [Face à tant de bassesse, des pensées amicales, fraternelles, à Jean-François.]