soupe 03
Études et témoignages sur les manières dont Facebook aura contraint et forcé certains à ouvrir chez elle un compte
Dos carré collé
ISBN 978-2-919648-35-1
Parution : 13 septembre 2023 - titre épuisé Publication annulée
Prix : 9 euros

Annulation

La publication de ce livre, initialement prévue pour septembre 2023, a été annulée faute de témoignages. Au 31 mai en effet, date que nous avions déclarée butoir (voir ci-dessous), aucune contribution (publiable) ne nous était parvenue. De deux choses l’une, avons-nous pensé : 1° Ou bien Facebook en plus de contraindre des personnes à ouvrir des comptes chez elle les paie (ceci nous semble cependant très improbable) pour qu’elles n’en disent jamais rien. 2° Ou bien personne n’a jamais été contraint par Facebook « à spontanément ouvrir chez elle un compte » (ce qui nous semble improbable pour les gens « engagés » du monde de la culture et de l’écriture par exemple, mais cependant moins improbable que l’explication 1) (ceci en raison du fait que l’explication 1 est, quant à elle, très improbable).

Afin de ne pas nous retrouver dans la singulière voire délicate position (pour un éditeur) de proposer à son public un livre qui ne contiendrait, à part son titre, que des pages blanches, nous nous sommes résolus à renoncer à en produire le moindre tirage. Face au désarroi causé par ce raté, dont nous faisions état devant lui, notre psychanalyste, le Dr ### ### (oui, Pontcerq s’analyse, parfois…), a eu ce mot plaisant (destiné à nous rassurer ?) (comme à son habitude il s’est bien gardé de nous le dire…) : « La publication de ce livre, cependant, demeure – mais comme absence. »

D’où cette page.

[11 avril 2024]

 

Appel à contribution pour la constitution du livre (parution : septembre 2023).

Comme on sait, de nombreuses maisons d’édition, institutions culturelles, organes de la presse indépendante, etc., se sont vus ces dernières années contraints d’ouvrir des comptes Facebook et de partager des données, informations ou publicités, sur le réseau de cette entreprise. Nombreux sont par ailleurs les écrivains, artistes, universitaires, philosophes engagés, etc., qui font savoir en effet, malgré leur opposition de principe (à Facebook, à la logique du marché, au capitalisme en général, etc.), qu’ils ont été contraints d’ouvrir un compte (malgré tout) (à leur corps défendant), bien que dans leur cas ce soit avec distance critique – contrairement à d’autres qui adhèrent au premier degré.

Pontcerq prévoit pour l’automne prochain la publication d’un ouvrage de témoignages sur la manière dont des acteurs de la culture et des individus engagés se sont trouvés contraints à franchir le pas.

Nous comparerons à la manière dont de même des acteurs de la culture et des individus se virent contraints à entrer par le passé dans un parti, malgré l’opposition de principe qui était la leur (par exemple à l’époque médiévale et antique). « Moi ce n’était pas pareil : je n’adhérais pas par conviction. » « Meine ganze Seele widerstrebte aber ich hätte sonst gar nicht weiter publizieren können... » « Et surtout je restais contre malgré tout, en particulier dans mon for intérieur. » « Malverbot hätt ich ja sonst wohl auch noch sicherlich erhalten, wenn » « I mean… I couldn’t… otherwise, you know, they… it was like… I mean… I… » « Я потеряла бы связь с внешним миром. Я была бы полностью изолированной… »

Par conséquent, Pontcerq est preneuse de tout témoignage (en toute langue) (anonyme même, si besoin) attestant de contraintes objectives qu’aurait exercées Facebook sur une institution culturelle ou un organe de presse digne de ce nom, sur un écrivain ou sur un philosophe engagé, pour les obliger à des ouvertures immédiates de comptes.

Nous publierons ces témoignages bruts et émouvants, en regard de témoignages de contraintes similaires à d’autres époques de l’histoire (notamment l’Antiquité ou le Moyen Age par exemple : car il est bon de prendre du recul vis-à-vis d’époques très lointaines et passées).

Le livre sera intitulé : Études et témoignages sur les manières dont Facebook aura contraint et forcé certains à ouvrir chez elle un compte. Il sera publié en septembre 2023. Nous acceptons les témoignages jusqu’au 31 mai. Merci de faire suivre cet appel auprès de personnes que vous pourriez juger possiblement concernées.

Pontcerq,         
décembre 2022

 

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PROBLÉMATIQUE DE L’OUVRAGE (POSÉE SOUS FORME DE MONTAGE TEXTUEL)

« On dit alors ‘politique’ l’homme qui sait percevoir la conjoncture et y répondre. Il ne se définit pas par ses qualités intrinsèques mais par son rapport au monde, par sa capacité à se mettre en rapport avec une situation. » (Valérie Gérard, L’Expérience morale hors de soi, PUF, 2011, p. 80) / « On ne se détermine pas parce qu’on a déduit le bon choix mais parce que l’urgence de certaines situations l’exige. » (ibid., p. 101) / « Moraliser, c’est par exemple poser des problèmes moraux d’un point de vue individuel non relationnel, du strict point de vue de l’examen des options proposées au choix, sans prendre en compte le contexte extérieur du choix : les relations et les situations dans lesquelles s’inscrit le rapport à soi. L’indifférence aux conditions d’exercice de la réflexion morale peut ainsi faire de la morale un discours inadéquat, destructeur et disqualifiant, un instrument de condamnation et de domination. » (ibid., p. 55) / « La cohérence ne saurait donc être réifiée : pas plus que de règles, il n’y a de structure du rapport à soi en elle-même morale. » (ibid., p. 59) / « Reconnaître ainsi l’ambivalence et la contingence de toute action est faire preuve d’une lucidité sans laquelle il n’y a pas de sens politique : qui ne voit pas que, souvent, le bien engendre le mal et réciproquement, qui manque de lucidité sur les paradoxes éthiques, qui n’assume pas la responsabilité à l’égard de ce qu’il peut devenir lui-même sous la pression des circonstances est, écrit Weber, ‘politiquement un enfant’ (in ‘Le métier et la vocation d’homme politique’). » (ibid., p. 77) / « Telle est la conduite d’Arjuna, le guerrier de la Bhagavad Gîtâ, contraint de reconnaître que le combat n’est pas un bien mais qu’il est nécessaire de combattre et nécessaire d’être déchiré par ce combat. » (ibid., p. 73) / « L’hypothèse que formule Simone Weil, c’est que la contradiction peut ne pas détruire le rapport à soi s’il est possible d’en comprendre la nécessité. » (ibid.) / « La contradiction est aussi spécifiquement morale : non seulement le sujet trahit ses croyances morales, mais, pour rester en cohérence avec ses principes, il lui faut soutenir le ‘fardeau de [la] duplicité’ et faire de la morale une ‘coquille vide’, ce qui est perçu comme contradictoire, immoral. ‘Ce qui les tracassait n’était pas la carte [du parti], mais la restriction mentale.’ Ils finissaient donc par adhérer pour se réconcilier avec eux-mêmes, écrit Hannah Arendt. » (ibid., p. 52 ; citation : H. Arendt, ‘Après le nazisme : les conséquences de la domination’, in Penser l’événement, Belin, 1989, p. 65) / « Le ‘cynisme salubre’ de celui qui se conformerait extérieurement à l’ordre en vigueur mais sans y adhérer mentalement cautionnerait certes le régime mais pourrait permettre de maintenir intact le jugement moral, de conserver une lucidité sur la portée réelle des compromissions quotidiennes. Prétendre ainsi que, même si on ne peut toujours agir en conformité avec ses principes, il reste possible de juger correctement, en toute indépendance, de conserver ce sol de la morale qu’est la capacité d’évaluer, de juger, d’exiger, c’est affirmer l’indépendance de l’intériorité qu’il serait possible de préserver même dans l’impossibilité de l’extérioriser. » (ibid., p. 50-51) / « La duplicité peut être moralement acceptable si elle est la seule position possible et tenable politiquement. » (ibid., p. 59) / « Un article de Hannah Arendt […] analyse comment la terreur quotidienne atteint le rapport à soi en conduisant à une duplicité intenable ceux qui réussissent à conserver leurs principes dans des circonstances qui tendent à anesthésier le sens moral. / Sous la menace de pressions matérielles ou vitales, certaines pratiques quotidiennes sont imposées : par exemple, adhérer au régime ou être au chômage, faire le salut hitlérien ou être dénoncé comme opposant et envoyé au camp de concentration, ou, sous d’autres régimes, en d’autres lieux, accepter une promotion à l’université qui vient d’être épurée ou être torturé*. Ce type d’alternatives, dans lesquelles l’individu a le choix entre son intérêt matériel et la dignité morale, sa vie et ses principes, est archétypique dans la tradition philosophique. » (ibid., p. 48 ; * Voir Marcelo et Maren Vinar, « Violence sociale et réalité dans l’analyse », in J. Puget dir., Violence d’État et psychanalyse, Dunod, 1989, p. 60) / « Pour désigner ce fait tragique que ce qu’on fait ne dépend pas entièrement de soi, Williams parle de ‘fortune morale’. » (ibid., p. 86) / « Ce qui définit l’homme politique n’est donc pas ce qu’il est mais ce qu’il fait des circonstances ; c’est sa capacité d’assumer une position hors de lui, sa disponibilité au monde. Si la fortune ne définit pas un domaine politique, l’attention à la fortune comme conjoncture définit le sens politique et l’homme politique. » (ibid., p. 80) / « La responsabilité consiste alors à reconnaître qu’on ne maîtrise ni les conditions de ses choix ni les conséquences de ses actes, dont il faut pourtant répondre. » (ibid., p. 77) / « Il [Oedipe] s’estime comptable des actes qu’il ne dissocie pas de lui-même même s’il les a accomplis dans l’ignorance des circonstances et de leur signification. » (ibid., p. 85) / « En effet, l’acte qui cautionne un système criminel n’est pas manifestement immoral ; il ne consiste pas forcément à tuer, dénoncer, trahir, c’est-à-dire à exécuter des actes associés à une violation morale et avec lesquels il est difficile de vivre lucidement – il est manifeste, même à celui qui cédera, qu’il ne doit pas trahir ses compagnons de lutte et qu’il lui sera insupportable de l’avoir fait –, mais il consiste à faire des actes en apparence anodins et de faible portée, qu’il ne va pas de soi de qualifier moralement. » (ibid., p. 49) / « Or, il est difficile de rester moral seul. » (ibid.) / « Dans la mesure où le concept d’ascription est élaboré pour penser le lien d’un sujet aux conséquences extérieures de ses actes, qu’il subit autant qu’il les produit, dans la mesure donc où reconnaître son ascription dans ce qu’on fait implique de se reconnaître dans ce qui est hors de soi, il semble légitime d’étendre ce concept à ce qui arrive dans le monde, non seulement de son propre fait, mais aussi à soi. La même attention à la réalité extérieure est requise dans les deux cas. » (ibid., p. 161) / « Cette question se pose dans la mesure où les pensées de la fortune ont tendance à opposer la sphère morale, où le principe de cohérence aurait cours, et la sphère politique, où l’ambivalence voire la duplicité seraient nécessaires, cantonnant la morale dans un domaine séparé et restreint – voire inexistant –, soustrayant le domaine politique à la pensée morale. Or, le refus de cette séparation confronte à la difficulté de penser un rapport à soi non fondé sur l’accord avec soi – à la difficulté de saisir ce qu’il y a de moral dans l’attention à la fortune. » (ibid., p. 76) / « Nous examinerons donc ces ressources permettant de rester en rapport avec des conditions d’existence plurielles et hétérogènes que peuvent être l’acceptation de la contradiction à laquelle est voué un sujet soumis à des nécessités sociales incompatibles (Simone Weil), la reconnaissance de l’ambivalence de toute conduite inscrite dans des situations relationnelles (Merleau-Ponty), la conscience de l’insuffisance et du caractère biographiquement situé de toute justification, de tout critère de sens, avec l’acceptation de l’étrangeté de soi qui en résulte (Bernard Williams), et la capacité de se rapporter avec équivocité à ses prises de position extérieures (Hannah Arendt). » (ibid., p. 64) / « La vie reliée est une vie plurielle et donc contradictoire. » (ibid., p. 71) / « D’où l’impératif de la morale weilienne : agir, dans la mesure du possible, quand on se sent lucide, en sachant que ce qu’on fait est insuffisant. » (ibid., p. 74) / « Nous pourrions toujours nous évaluer de manière purement intérieure, à partir de la seule prise en compte de nos jugements, de nos intentions, de nos raisons : ce postulat fonde l’idéal d’autarcie morale. […] Or Williams a montré que cette exigence, aussi resserrée soit-elle, est une illusion dérivant de l’incompréhension de la conduite temporelle et extérieure de la vie humaine. » (ibid., p. 86-87) / « La thèse de Williams repose sur cette idée : nos raisons ne valent pour nous qu’en rapport à notre situation. » (ibid., p. 87) / [« Voyez ce livre du P. Annat. C’est le dernier qu’il a fait contre M. Arnauld ; lisez la page 34 où il y a une oreille, et voyez les lignes que j’ai marquées avec du crayon ; elles sont toutes d’or. » (Pascal, Provinciales, Quatrième lettre)] / « Pour reprendre un de ses exemples [i. e. : de H. Arendt] : pour qui se soucie du monde, ce qui importe n’est pas d’éviter de se corrompre en faisant le mal mais de ne pas laisser le mal se faire, de l’empêcher si on en a les moyens, même si cela oblige à adopter des positions qu’on aurait préféré éviter. Le souci du monde implique de se conduire en fonction de la conjoncture et non de manière à rester fidèle à des principes. […] Et en même temps, de l’autre côté, l’exigence d’accord avec soi inhérente à la pensée est pour Hannah Arendt le seul garde-fou contre l’indifférence qui permet la propagation du mal. » (ibid., p. 95-96) / « D’un côté, donc, Hannah Arendt oppose la responsabilité politique aux convictions morales et fait primer le rapport au monde sur le rapport à soi. Mais, de l’autre côté, elle soutient l’idée que le rapport à soi instauré par la pensée est le fondement et du sens moral et de la responsabilité politique, dans la mesure où seul un sujet habitué à se demander des comptes sur sa conduite peut se tenir pour responsable de quelque chose dans le monde et se soucier des affaires publiques. » (ibid., p. 96) / « L’articulation entre l’existentiel et le politique est donc non seulement possible mais éminemment nécessaire pour comprendre une destruction sociopolitique d’autant plus efficace qu’elle s’appuie sur la condition humaine. » (ibid., p. 136) / « L’enjeu est de penser le paradoxe d’un rapport à soi constitué de liens qui ne sont pas maîtrisés et qu’il faut toujours réinstaurer, de rapports à autre chose que soi qui sont d’abord des rapports de désidentification et de perte. » (ibid., p. 112) / « Si une lecture moralisante d’une situation qui produit de la contradiction rend le rapport à soi insoutenable, l’adoption d’une perspective politique est peut-être la seule manière de maintenir alors un rapport à soi, même si une telle perspective ne va pas de soi, tant ces problèmes de choix ou de désaccord avec soi semblent ne concerner que soi. » (ibid., p. 54) / « Elle [la pensée] s’immunise par là contre le ‘choc du réel’, choc qui contraint brutalement, au prix d’un anéantissement et d’un déchirement intérieurs, à sortir de soi et à se rendre attentifs à l’extériorité. […] ‘D’une manière tout à fait générale, il y a malheur toutes les fois que la nécessité […] se fait sentir si durement que la dureté dépasse la capacité de mensonge de celui qui subit le choc’ (S. Weil, Œuvres Complètes, IV 1, p. 329) » (ibid. p. 68) / « Cela signifie que c’est en partie la pensée, sa portée explicative, sa capacité de se rendre attentive au réel sans s’y perdre, qui est la mesure de l’invivable. » (ibid., p. 68)